Dak'Art 2022, une oeuvre d'Abdoulaye Konaté en vitrine à l'ancien Palais de justice |
Il ne passe pas inaperçu lors de cette 14ème biennale de l’art africain contemporain qui se tient du 19 mai au 21 juin 2022, au Sénégal sous le thème « Indafa », c’est-à-dire, « forger ».
Bien
qu’étant absent physiquement, Abdoulaye Konaté marque les esprits par la
qualité des œuvres présentées aux visiteurs venus nombreux à l’ancien Palais de
justice de Dakar qui sert de cadre d’exposition aux artistes sélectionnés pour
le « IN ».
Abdoulaye
Konaté est le grand invité de cette édition. En tant que tel, un pan entier du
palais lui est réservé. Occasion pour l’artiste de dévoiler le travail
monumental qu’il effectue depuis plusieurs années.
Vendredi
21 juin 2022, il est un peu plus de 17 heures. De nombreux jeunes ont pris
d’assaut l’ancien Palais de justice resté orphelin depuis 2018, date de la
dernière édition de la biennale. Ils avaient été privés de l’édition 2020
reportée suite à l’apparition de la Covid-19. Ce soir, hommes et femmes pressent
le pas aux portes des salles d’exposition afin de vivre les derniers instants
de cette grand’messe de l’art et de la culture.
A l’entrée
du pavillon où sont accrochées les œuvres d’Abdoulaye Konaté trône un portrait
de lui. Les bras croisés sur la poitrine, l’artiste affiche une mine sérieuse,
preuve de maturité. Difficile de franchir le seuil de la porte sans remarquer
au passage les deux tableaux placés de part et d’autre qui renseignent sur l’impressionnant
parcours de ce fils d’Afrique, lauréat du grand Prix Léopold Sédar Senghor de
la Biennale de l’art africain contemporain, en 1996.
Pour la
biennale Dak’Art 2022, trois salles ont été mises à son entière disposition.
Dès l’entame, le visiteur est saisi par la beauté et la grandeur de ses œuvres.
Dans la salle 1e figurent six oeuvres dont deux à droite, trois à
gauche et un autre plus loin qui occupe quasiment toute la surface de ce pan du
mur.
Pour
aiguiser notre curiosité, nous nous approchons de chaque tableau. Ce qui de loin
semblait être de la peinture sur toile se décline désormais en une composition
de languettes de tissus en forme de tapis. Ces languettes ont dû
être réalisées comme des pièces uniques avant d’être placées les unes à la
suite des autres pour donner les formes voulues par l’artiste. Ce savant dosage
de couleurs crée une symphonie rendue à la perfection par les lampes et le
tapis de couleur verte qui recouvre le « plafond ».
Situés à
mi-chemin entre sculpture et peinture, ces œuvres sont un mélange subtil entre
textile (basin) et designs contemporains. Ici, le pinceau a laissé place aux
ciseaux pour former un tout harmonieux agréable à la vue.
Dans la
deuxième salle, on y retrouve quatre œuvres les unes aussi impressionnantes que
les autres. Sur l’un des tableaux, l’on peut lire « non au fanatisme
religieux » ! Ce message qui interpelle la conscience collective sur
la situation sécuritaire dans le monde est précédé d’un couteau (collage) sur
fond noir-rouge.
Dans ce
travail de fourmi, se dégagent clairement deux lignes : la première,
esthétique et la deuxième, sociale qui traduit la souffrance humaine, notamment
l’immigration, le fanatisme religieux, les génocides, les guerres, les
pandémies, etc. Dans la troisième salle, une installation vidéo présente les ateliers
qui ont abouti à la réalisation de ces œuvres d’envergure.
Né le 1er
février 1953 à Diré, au Mali, Abdoulaye Konaté est l’une des grandes figures
des arts plastiques de son pays. De 1972 à 1976, il étudie à l’Institut National
des Arts de Bamako. De 1978 à 1985, il se forme à l’Institut Supérieur des Arts
de La Havane (Cuba). Là-bas, il a eu la chance de rencontrer de grands artistes de
renom de plusieurs nationalités.
A partir des années 1990, il engage un nouveau processus de création en s’intéressant à l’espace et au volume, avec de grandes tapisseries de coton traditionnel malien. De 1985 à 1997, il est Responsable des expositions au Musée national du Mali. De 1998 à 2002, Abdoulaye Konaté est Directeur du Palais de la Culture. A la même période, il est Directeur des Rencontres africaines de la photographie, à Bamako. En 2003, il devient Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia "Balla Fasseké Kouyaté" de Bamako.
En 2008, il obtient le prix Passeport – Créateurs sans Frontières, en France. Un an plus tard, il est fait officier de l’ordre national du Mali. En 2018, il est Docteur Honoris Causa de l’Université de la Havane pour l’ensemble de son œuvre.
Abdoulaye Konaté a exposé à Cuba, en France, aux États-Unis, au Japon, en Côte d’Ivoire, en Espagne, au Portugal, au Bénin, au Sénégal, en Autriche, en Italie, en Afrique du Sud, au Brésil, en Allemagne. Depuis 2002, il est Chevalier de l’Ordre national du Mali et Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres de France. Un parcours riche qui a sûrement forgé ce talent.
Irène Gaouda, au Cap Manuel, Dakar
Salle 1, Monique Ngo Mayag apprécie le travail d'Abdoulaye Konaté aux côtés d'autres visiteurs |
"Non au fanatisme religieux" |
Irène Gaouda pose devant une oeuvre d'Abdoulaye Konaté (Textile et sculpture en un) |
Un pan de l'ancien palais de justice de Dakar, lieu d'exposition Biennale Dak'Art 2022 |
The Master himself ! |