dimanche 24 juillet 2022

Abdoulaye Konaté, la touche du maître !


Dak'Art 2022, une oeuvre d'Abdoulaye Konaté en vitrine à l'ancien Palais de justice


Il ne passe pas inaperçu lors de cette 14ème biennale de l’art africain contemporain qui se tient du 19 mai au 21 juin 2022, au Sénégal sous le thème « Indafa », c’est-à-dire, « forger ».

Bien qu’étant absent physiquement, Abdoulaye Konaté marque les esprits par la qualité des œuvres présentées aux visiteurs venus nombreux à l’ancien Palais de justice de Dakar qui sert de cadre d’exposition aux artistes sélectionnés pour le « IN ».

Abdoulaye Konaté est le grand invité de cette édition. En tant que tel, un pan entier du palais lui est réservé. Occasion pour l’artiste de dévoiler le travail monumental qu’il effectue depuis plusieurs années.

Vendredi 21 juin 2022, il est un peu plus de 17 heures. De nombreux jeunes ont pris d’assaut l’ancien Palais de justice resté orphelin depuis 2018, date de la dernière édition de la biennale. Ils avaient été privés de l’édition 2020 reportée suite à l’apparition de la Covid-19. Ce soir, hommes et femmes pressent le pas aux portes des salles d’exposition afin de vivre les derniers instants de cette grand’messe de l’art et de la culture. 

A l’entrée du pavillon où sont accrochées les œuvres d’Abdoulaye Konaté trône un portrait de lui. Les bras croisés sur la poitrine, l’artiste affiche une mine sérieuse, preuve de maturité. Difficile de franchir le seuil de la porte sans remarquer au passage les deux tableaux placés de part et d’autre qui renseignent sur l’impressionnant parcours de ce fils d’Afrique, lauréat du grand Prix Léopold Sédar Senghor de la Biennale de l’art africain contemporain, en 1996.

Pour la biennale Dak’Art 2022, trois salles ont été mises à son entière disposition. Dès l’entame, le visiteur est saisi par la beauté et la grandeur de ses œuvres. Dans la salle 1e figurent six oeuvres dont deux à droite, trois à gauche et un autre plus loin qui occupe quasiment toute la surface de ce pan du mur.

Pour aiguiser notre curiosité, nous nous approchons de chaque tableau. Ce qui de loin semblait être de la peinture sur toile se décline désormais en une composition de languettes de tissus en forme de tapis. Ces languettes ont dû être réalisées comme des pièces uniques avant d’être placées les unes à la suite des autres pour donner les formes voulues par l’artiste. Ce savant dosage de couleurs crée une symphonie rendue à la perfection par les lampes et le tapis de couleur verte qui recouvre le « plafond ».

Situés à mi-chemin entre sculpture et peinture, ces œuvres sont un mélange subtil entre textile (basin) et designs contemporains. Ici, le pinceau a laissé place aux ciseaux pour former un tout harmonieux agréable à la vue.

Dans la deuxième salle, on y retrouve quatre œuvres les unes aussi impressionnantes que les autres. Sur l’un des tableaux, l’on peut lire « non au fanatisme religieux » ! Ce message qui interpelle la conscience collective sur la situation sécuritaire dans le monde est précédé d’un couteau (collage) sur fond noir-rouge.

Dans ce travail de fourmi, se dégagent clairement deux lignes : la première, esthétique et la deuxième, sociale qui traduit la souffrance humaine, notamment l’immigration, le fanatisme religieux, les génocides, les guerres, les pandémies, etc. Dans la troisième salle, une installation vidéo présente les ateliers qui ont abouti à la réalisation de ces œuvres d’envergure.

Né le 1er février 1953 à Diré, au Mali, Abdoulaye Konaté est l’une des grandes figures des arts plastiques de son pays. De 1972 à 1976, il étudie à l’Institut National des Arts de Bamako. De 1978 à 1985, il se forme à l’Institut Supérieur des Arts de La Havane (Cuba). Là-bas, il a eu la chance de rencontrer de grands artistes de renom de plusieurs nationalités.

A partir des années 1990, il engage un nouveau processus de création en s’intéressant à l’espace et au volume, avec de grandes tapisseries de coton traditionnel malien. De 1985 à 1997, il est Responsable des expositions au Musée national du Mali. De 1998 à 2002, Abdoulaye Konaté est Directeur du Palais de la Culture. A la même période, il est Directeur des Rencontres africaines de la photographie, à Bamako. En 2003, il devient  Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia "Balla Fasseké Kouyaté" de Bamako. 


En 2008, il obtient le prix Passeport – Créateurs sans Frontières, en France. Un an plus tard, il est fait officier de l’ordre national du Mali. En 2018, il est Docteur Honoris Causa de l’Université de la Havane pour l’ensemble de son œuvre.

Abdoulaye Konaté a exposé à Cuba, en France, aux États-Unis, au Japon, en Côte d’Ivoire, en Espagne, au Portugal, au Bénin, au Sénégal, en Autriche, en Italie, en Afrique du Sud, au Brésil, en Allemagne. Depuis 2002, il est Chevalier de l’Ordre national du Mali et Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres de France. Un parcours riche qui a sûrement forgé ce talent.

Irène Gaouda, au Cap Manuel, Dakar



Salle 1, Monique Ngo Mayag apprécie le travail d'Abdoulaye Konaté aux côtés d'autres visiteurs


"Non au fanatisme religieux"


Irène Gaouda pose devant une oeuvre d'Abdoulaye Konaté (Textile et sculpture en un)


Un pan de l'ancien palais de justice de Dakar, lieu d'exposition Biennale Dak'Art 2022


The Master himself !




 

 

 


lundi 14 mars 2022

Yagoua - Maga: en attendant la route...

 

Ce jour-là, nous allâmes à Maga au pas de course, rendre visite à ma chère tante. C’était le premier jour de l’année 2022, un jour férié sur l’ensemble du territoire national.

Bouba et Liba, deux habitués de l’axe Yagoua-Maga, nous encouragèrent à effectuer le trajet.

-Il y aura moins de tracasseries en chemin, dit Bouba. Aujourd’hui, c’est la « bonané ». Ils ne sortent pas en grand nombre.

« Ils », ce sont les policiers et gendarmes qui travaillent sur cet axe routier situé à la lisière du fleuve Logone.

- Ok, il vaut mieux en profiter et revenir à temps, dis-je.

- En tout cas, c’est mieux aujourd’hui, renchérit Liba, sinon, ils vont nous déranger à chaque poste de contrôle. Ce qui évidemment ralentirait le voyage et nous empêcherait de rentrer à temps. 

Sans plus tarder, nous primes la décision de partir. Les derniers réglages effectués : vérification de l’état des engins, pièces personnelles d’identification, pièces des motocyclettes en bon état, on se dirigea vers le marché périodique.

- Faisons le plein de "zoua zoua" pour éviter toute panne sèche, dit Liba.

Aussitôt la consommation en carburant assurée, on se lança sur la route de Maga, à une centaine de kilomètres du chef-lieu du département du Mayo-Danay. Le ciel dépourvu de nuages offrait une vue imprenable sur les villages environnants. A notre droite, on apercevait par endroits l’herbe saisonnière mêlée aux arbustes qui poussent non loin de la digue-route. Les eaux du fleuve avaient tari donc, impossible d'acheter du poisson.

-   - Pour les voir en ce moment, il faut aller loin là-bas derrière les arbustes et les hautes herbes, au bord de l’eau, indiqua Liba.

-    - Ce n’est pas grave, dis-je. On les aura une autre fois.

Au fur et à mesure que les minutes s’égrenaient, on avançait vers Maga, laissant au passage les localités de Guémé, Vélé, Djafga, Doreissou etc.

Ma dernière fois sur cette route remontait à 2006. C’était un voyage inopiné effectué à bord d’une motocyclette. Une randonnée qui nous avait pratiquement traumatisé au regard de l’état de délabrement avancé de la route. Nous étions en juillet-août et les pluies diluviennes avaient fait des ravages sur la région. L’eau du fleuve avait quitté son lit pour se répandre dans les villages environnants. La route coupée par endroits, il fallait se débrouiller par la marche à pieds. La traversée était pénible et dangereuse à la fois car le niveau d’eau n’était pas le même selon qu’on soit proche d’un village X ou de la digue de retenue d’eau. Mais je tenais à voir ma tante. Déterminée que j’étais, je pris la décision ce jour-là d’aller lui rendre visite quelle que soit la météo, au grand mépris des conseils de ma grand-mère.

Ce 1er janvier 2022, soit 16 ans après, on emprunta la même route. Contrairement à 2006, il n’y avait pas d’eau en chemin. Pas que les choses aient changé, non ! C’est juste qu’en ce mois de janvier, il avait cessé de pleuvoir. Le soleil régnait en maître sur le Mayo-Danay, mais la route attendait toujours d'être tracée et bitumée. La boue avait cédé la place à la poussière qui recouvrait nos chaussures et vêtements, nous faisant passer pour de petits fantômes.

Quelque part avant Pouss, nous fûmes contraints de descendre des motos.

-    -  Il y a quoi non, Liba ?

-  -  La route, dit-il en pointant du doigt un grand chantier de construction.

-   - Mais, qu’est-ce qu’ils font là, demandai-je, surprise.

-  - C’est le pont ! Ils sont en train de construire le pont que le président nous a donné.

-   - Donné, hein ?!

-  - Oui ! C’est là-dessus que nous allons rouler, répondit-il, la mine enjouée.

Il était heureux à l’idée de voir cette infrastructure oh combien capitale pour le déplacement des personnes et des biens se voir achevée. En un laps de temps, le jeune homme évoqua la vague de tempête qui avait soufflé sur la région et les pluies qui s’étaient abattues sur des villages entiers, entrainant le déplacement massif des riverains du Logone et causant la mort de plusieurs villageois. C’était en 2012. Mais le jeune homme en donna les détails comme si les faits s’étaient déroulés la veille.

En nous présentant l’infrastructure en construction, il était vraiment euphorique. Mais lorsqu’un jeune homme se détacha du groupe assis sous un abri de fortune et se pointa vers nous pour réclamer « les droits de passage », notre jeune Liba sorti de ses gongs.

-  - C’est même comment avec vous ? Hier, je suis passé ici, et j’ai payé, c’était hier à 18h. ça ne fait même pas un jour rond. Vous voulez encore de l’argent, on va trouver ça où ?

Sur un ton posé, le nouveau-venu nous expliqua le pourquoi du comment.

-  - Mais si vous ne voulez pas payer, allez voir ces gens là-bas, ils vous embarqueront à bord des pirogues que vous voyez-là, avec tout ce que cela comporte comme risque.

Sur ce, notre interlocuteur tourna le dos, le pas assuré et rejoint le reste du groupe confortablement installé sous le hangar, au point de contrôle.

- Est-ce qu'on a le choix, s'interrogea Nanie. Entre la pirogue et la route, le choix fût vite fait.

- - Payons ! On quitte derrière les problèmes! Et ce fut l’ultime décision.

Le pont sur la digue-route en chantier depuis plusieurs années était une grosse attraction dans cette ambiance rustique. Les rizières s’étendaient à perte de vue. A notre droite, les enfants s’éclaboussaient dans l’eau. Chemin faisant, on pouvait entendre des passants se désoler de la lenteur des travaux.

-    - Est-ce que le pont-ci va finir un jour ? On souffre ici tous les jours sur cette route, dit un motocycliste agrippé à son engin en proie aux pierres de retenue. D'autres moins pessimistes semblaient voir le bout du tunnel et les opportunités d’affaires qu’entraineraient la fin des travaux.

Plus de 10 minutes de marche, on atteignit le croisement de Pouss. A nouveau sur les motos, on traversa les encablures du lac de Maga à toute vitesse. La route non bitumée était marquée par des crevasses.

Arrivés au Château, on emprunta le chemin de la maison de ma tante. L’ambiance au quartier était bonne enfant. En ce premier jour de l’an, les habitants avaient le cœur à la fête.

On circula sur une centaine de mètres avant de rallier le domicile familial. C’est son fils ainé qui, en premier, vint vers nous. Il arborait une chemise bleu couleur du ciel, un pantalon et une paire de sandales marron.

-  - Maman n’est pas là. Venez à l’intérieur. Il y a papa qui se repose là-bas dans sa maison, dit-il en pointant du doigt la maison de son père.

- - Ne va pas le réveiller, s’empressa d’ajouter Nanie. 

- - On va s’installer tranquillement ici à l’ombre du Nimier puis appeler maman. Mince !!! Quelle route!


Pylônes pour construction du pont Begue-Palam 


Le pont en chantier sur la digue-route


Look at my legs

Des obstacles sur la route....


La vie comme elle va....





Un jour, un artiste: Georges-Antoine Rochegrosse, peintre d’histoire

Georges-Antoine Rochegrosse  né le  2 août 1859  à  Versailles  et mort le  11 juillet 1938  à  El Biar  ( Algérie ) est un  peintre ,  déco...