Ce jour-là, nous allâmes à Maga au pas de course, rendre visite à ma chère tante. C’était le premier jour de l’année 2022, un jour férié sur l’ensemble du territoire national.
Bouba et Liba, deux habitués de l’axe Yagoua-Maga, nous encouragèrent à effectuer le trajet.
-Il y aura moins de tracasseries en chemin, dit Bouba. Aujourd’hui, c’est la « bonané ». Ils ne sortent pas en grand nombre.
« Ils », ce sont les policiers et gendarmes qui travaillent sur cet axe routier situé à la lisière du fleuve Logone.
- Ok, il vaut mieux en profiter et revenir à temps, dis-je.
- En tout cas, c’est mieux aujourd’hui, renchérit Liba, sinon, ils vont nous déranger à chaque poste de contrôle. Ce qui évidemment ralentirait le voyage et nous empêcherait de rentrer à temps.
Sans plus tarder, nous primes la décision de partir. Les derniers réglages effectués : vérification de l’état des engins, pièces personnelles d’identification, pièces des motocyclettes en bon état, on se dirigea vers le marché périodique.
- Faisons le plein de "zoua zoua" pour éviter toute panne sèche, dit Liba.
Aussitôt la consommation en carburant assurée, on se lança sur la route de Maga, à une centaine de kilomètres du chef-lieu du département du Mayo-Danay. Le ciel dépourvu de nuages offrait une vue imprenable sur les villages environnants. A notre droite, on apercevait par endroits l’herbe saisonnière mêlée aux arbustes qui poussent non loin de la digue-route. Les eaux du fleuve avaient tari donc, impossible d'acheter du poisson.
- - Pour les voir en ce moment, il faut aller loin là-bas derrière les arbustes et les hautes herbes, au bord de l’eau, indiqua Liba.
- - Ce n’est pas grave, dis-je. On les aura une autre fois.
Au fur et à mesure que les minutes s’égrenaient, on avançait vers Maga, laissant au passage les localités de Guémé, Vélé, Djafga, Doreissou etc.
Ma dernière fois sur cette route remontait à 2006. C’était un voyage inopiné effectué à bord d’une motocyclette. Une randonnée qui nous avait pratiquement traumatisé au regard de l’état de délabrement avancé de la route. Nous étions en juillet-août et les pluies diluviennes avaient fait des ravages sur la région. L’eau du fleuve avait quitté son lit pour se répandre dans les villages environnants. La route coupée par endroits, il fallait se débrouiller par la marche à pieds. La traversée était pénible et dangereuse à la fois car le niveau d’eau n’était pas le même selon qu’on soit proche d’un village X ou de la digue de retenue d’eau. Mais je tenais à voir ma tante. Déterminée que j’étais, je pris la décision ce jour-là d’aller lui rendre visite quelle que soit la météo, au grand mépris des conseils de ma grand-mère.
Ce 1er janvier 2022, soit 16 ans après, on emprunta la même route. Contrairement à 2006, il n’y avait pas d’eau en chemin. Pas que les choses aient changé, non ! C’est juste qu’en ce mois de janvier, il avait cessé de pleuvoir. Le soleil régnait en maître sur le Mayo-Danay, mais la route attendait toujours d'être tracée et bitumée. La boue avait cédé la place à la poussière qui recouvrait nos chaussures et vêtements, nous faisant passer pour de petits fantômes.
Quelque part avant Pouss, nous fûmes contraints de descendre des motos.
- - Il y a quoi non, Liba ?
- - La route, dit-il en pointant du doigt un grand chantier de construction.
- - Mais, qu’est-ce qu’ils font là, demandai-je, surprise.
- - C’est le pont ! Ils sont en train de construire le pont que le président nous a donné.
- - Donné, hein ?!
- - Oui ! C’est là-dessus que nous allons rouler, répondit-il, la mine enjouée.
Il était heureux à l’idée de voir cette infrastructure oh combien capitale pour le déplacement des personnes et des biens se voir achevée. En un laps de temps, le jeune homme évoqua la vague de tempête qui avait soufflé sur la région et les pluies qui s’étaient abattues sur des villages entiers, entrainant le déplacement massif des riverains du Logone et causant la mort de plusieurs villageois. C’était en 2012. Mais le jeune homme en donna les détails comme si les faits s’étaient déroulés la veille.
En nous présentant l’infrastructure en construction, il était vraiment euphorique. Mais lorsqu’un jeune homme se détacha du groupe assis sous un abri de fortune et se pointa vers nous pour réclamer « les droits de passage », notre jeune Liba sorti de ses gongs.
- - C’est même comment avec vous ? Hier, je suis passé ici, et j’ai payé, c’était hier à 18h. ça ne fait même pas un jour rond. Vous voulez encore de l’argent, on va trouver ça où ?
Sur un ton posé, le nouveau-venu nous expliqua le pourquoi du comment.
- - Mais si vous ne voulez pas payer, allez voir ces gens là-bas, ils vous embarqueront à bord des pirogues que vous voyez-là, avec tout ce que cela comporte comme risque.
Sur ce, notre interlocuteur tourna le dos, le pas assuré et rejoint le reste du groupe confortablement installé sous le hangar, au point de contrôle.
- Est-ce qu'on a le choix, s'interrogea Nanie. Entre la pirogue et la route, le choix fût vite fait.
- - Payons ! On quitte derrière les problèmes! Et ce fut l’ultime décision.
Le pont sur la digue-route en chantier depuis plusieurs années était une grosse attraction dans cette ambiance rustique. Les rizières s’étendaient à perte de vue. A notre droite, les enfants s’éclaboussaient dans l’eau. Chemin faisant, on pouvait entendre des passants se désoler de la lenteur des travaux.
- - Est-ce que le pont-ci va finir un jour ? On souffre ici tous les jours sur cette route, dit un motocycliste agrippé à son engin en proie aux pierres de retenue. D'autres moins pessimistes semblaient voir le bout du tunnel et les opportunités d’affaires qu’entraineraient la fin des travaux.
Plus de 10 minutes de marche, on atteignit le croisement de Pouss. A nouveau sur les motos, on traversa les encablures du lac de Maga à toute vitesse. La route non bitumée était marquée par des crevasses.
Arrivés au Château, on emprunta le chemin de la maison de ma tante. L’ambiance au quartier était bonne enfant. En ce premier jour de l’an, les habitants avaient le cœur à la fête.
On circula sur une centaine de mètres avant de rallier le domicile familial. C’est son fils ainé qui, en premier, vint vers nous. Il arborait une chemise bleu couleur du ciel, un pantalon et une paire de sandales marron.
- - Maman n’est pas là. Venez à l’intérieur. Il y a papa qui se repose là-bas dans sa maison, dit-il en pointant du doigt la maison de son père.
- - Ne va pas le réveiller, s’empressa d’ajouter Nanie.
- - On va s’installer tranquillement ici à l’ombre du Nimier puis appeler maman. Mince !!! Quelle route!
Pylônes pour construction du pont Begue-Palam |
Le pont en chantier sur la digue-route |
Look at my legs |
Des obstacles sur la route.... |
La vie comme elle va.... |
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