vendredi 27 mai 2016

Dak'Art 2016 : Hommage à Didier Schaub

La 12ème édition du festival international de l’art contemporain de Dakar a rendu hommage au co-fondateur du Doual’art disparu en 2014.
Didier Schaub derrière un mur peint par Romuald Dikoumé
Des portraits du galeriste camerounais étaient au menu du travail qu’a présenté Doual’art au festival international de l’art contemporain de Dakar : photographies, caricatures, peinture… Mais, il n’y avait pas que l’illustre disparu qui était visible à la Maison des anciens combattants ayant servi de cadre d’exposition. Il y avait aussi le travail de tous ces artistes qu’il a côtoyé pendant son séjour sur terre : Koko Komegne, Francis Soumegne, Eric Delphin, Lucas Gradin, Alioum Moussa, Lionel Manga, Philippe Mouillon, Kamiel Verschuren… 
A l’entame de la biennale, le président Macky Sall n’a pas manqué de saluer le travail et l’implication dans les éditions précédentes de la biennale, de l’ancien Directeur artistique du Doual’art.  Hommage a également été rendu à de nombreux artistes et personnalités du monde artistique fauchés par la mort. L’exposition Doual’art a refermé le jeudi 26 mai 2016, par la projection du documentaire : « Douala métamorphoses », des rencontres diverses et un cocktail.
Dieudonné Demba s'entretient avec des visiteuses venues s'imprégner du contenu de l'expo présentée par Doual'art

Didier Schaub en bref 

Naissance : 1952 (Lyon)

Vie Professionnelle et responsabilités 
1988-1993 : Brasseries du Cameroun, chef de service publicité, région du Littoral 
1994-2014 : doual’art, co-fondateur et Directeur artistique, il monte avec son épouse Marilyn Douala Bell, près de 200 expositions d’art contemporain présentant des travaux de création. 
1999-2000 : Projet ARTCAM du MINCULT dans le cadre de l’Appui au développement culturel du Cameroun, il met en place des structures d’animations artistiques et culturelles à Bafoussam, Maroua et Bertoua. 
2000 et Suite : création du parcours de découverte de Douala, ville d’art et d’histoire 
 2007, 2010, 2013 : festival triennal d’art public, le salon urbain de Douala (Sud), co-fondateur, directeur artistique, commissaire et maitre d’ouvrage de trois éditions 

Hors du Cameroun 
2002 : Commissaire de l’exposition Off « Créateurs contemporains d’Afrique centrale », membre du Comité international de sélection et du jury de la biennale 
2002, 2003 et 2005 : Libreville-Gabon - Membre du jury des forums des arts - Président du jury du symposium international de sculpture monumentale - 6ème jeux de la Francophonie, Afrique centrale et région des grands lacs, membre du « Jury sculpture » 
2010 : Musée Bozar, Bruxelles, Belgique - Commissaire de « Indépendance Cha Cha), exposition sur les indépendances du Cameroun
2011 : Haïti, Madagascar, France - Organisation de résidences de création pour artistes camerounais 

Publications et écrits : 
- Sculpture sur bois du Littoral du Cameroun, 1992
- Collaboration à Revue noire, Paris n°13, 1994, n°19, 1996, n°31, 1999 
- Koko Komegne, Survivre et frapper, Coordination éditoriale et artistique, édition du CCF Blaise Cendrars, Douala 2006 
- Biographie du prince René Douala Manga-Bell AfricAvenir, Douala/Exchange & Douala, Berlin 2007 
- « An Urban Mangrove » P.118, et de Douala urban salon, p.125, in Douala, in Translation Episode publishers, Rotterdam, 2007 - Trimestriel Liquid, 2009-2010, 
 - Guide artistique de Douala, historique et artistique, 2009 et 2011, Douala.


Rassemblés par
I.G, Av Lamine Gueye, Dakar

Doual'art en vitrine à la maison des anciens combattant, Dakar

jeudi 19 mai 2016

Youssef Limoud, le mausolée et le grand prix L. Sédar Senghor

Pour rentrer dans le mausolée de Youssef Limoud, il faut être d’esprit. Le travail de l’artiste égyptien qui a remporté le Grand Prix Léopold Sédar Senghor de la 12ème biennale de l’art contemporain occupe une place « royale » à l’ex Palais de justice devenu carrefour des cultures le temps d’un Dak’Art.
L’exposition que nous avons visitée le week-end dernier est une œuvre complexe, non seulement par la façon dont elle est disposée, mais aussi et surtout à cause de la thématique abordée. En effet, l’artiste présente une installation intitulée Maqam, ou « mausolée d’un saint ». L’objectif était de recréer une ville sans vie. Pour s’y prendre, il n’a pas hésité à puiser dans du matériel de récupération : bois, fil de fer, pavés, fils électriques, ampoules, grain de sable, morceaux de planches, ustensiles de cuisine… 
Dans ce labyrinthe où règne un calme de cimetière, seuls les « fantômes » ont droit de citer. Est-ce ce qui explique le mystère et l’isolement de cette installation dans cette pièce située à l’arrière-cour du palais ? Toujours est-il qu’avec ce travail de fourmi réalisé en 2016, l’artiste a reçu un chèque de 10 millions de Fcfa. Le prix lui a été attribué à l’ouverture de la Biennale au grand théâtre Daniel Sorano, à Dakar. 
Né au Caire en 1964, Youssef Limoud a étudié à la faculté des Beaux arts du Caire 1entre 982 et 1987 et à la Art Academy Dusseldorf-Allemagne entre 1991 et 1992. Le site d’informations « Something else », renseigne qu’il a eu à participer aussi bien dans des expositions collectives qu’individuelles à travers le monde. L’écriture sur l’art est le domaine de prédilection de celui qui a rédigé de nombreux articles dans des journaux et magazines d’expression arabes tels que Annahar Newspaper, Jasad ou encore Al-Doha magazine du Liban. Limoud est également auteur de plusieurs livres sur l’histoire de l’art et la poésie. Il vit entre Basel et le Caire.

I.G, à Dakar

I.G, à Dakar

dimanche 15 mai 2016

Le vidéo Mapping illumine le Dak'Art

Les noctambules de Dakar l’ont sûrement remarqué ces derniers jours : Le vidéo mapping, ce concept artistique qui permet de donner un souffle nouveau aux bâtiments publics et autres monuments...
     Il faut attendre la tombée de la nuit pour voir « la magie » s’opérer. Et les trois devins à la manœuvre ne sont nul autre que l’espagnol Fausto Morales Gil, l’allemand Philipp Geist et le français Aurélien Lafargue. Le show a débuté le 3 mai dès 20h à l’Hôtel de Ville de Dakar par la Performance vidéo mapping d’Aurélien Lafargue avec la conception sonore de Mourad Bennacer et d’Ibaaku. Le 7 mai, toujours à 20h, c’était au Rond Point Médina, non loin de la Poste qu’a eu lieu le « spectacle ». Là, l’espagnol Fausto Morales Gil a fait son show : Performance vidéo mapping suivi e d’un concert de Brahim et Mao Sidibé. Le 10 mai, c’était au tour de la gare de Dakar d’accueillir les performeurs. Le travail de Phillip Geist était la grande attraction de la soirée. Sa parade artistique était accompagnée d’un concert d’artistes du terroir, notamment Omar Pène, Matador, Fukk and Kukk, Ngaaka Blindé, Afrique 3D. Et les Afrosiders ont gratifié le public d’une soirée.

Qu’est ce que le Video Mapping ?
      C’est un procédé qui permet de projeter de la lumière ou des vidéos sur des volumes, et de recréer des images de grande taille sur des structures en relief, tels des monuments, expliquent les initiateurs de ce nouveau concept qui apparaît pour la première fois au Dak’Art. Et il plait, si l’en croit l’engouement suscité au sein de la jeunesse. Ici, le temps d’une projection, se crée une illusion de nouveauté sur les murs des bâtiments et autres édifices. Une manière de proposer aux dakarois une autre vision de leur ville à travers une technique de projection illusionniste. 
    Le projet est porté par le groupe EUNIC en partenariat avec Kër Thiossane. Il a pour but de sensibiliser les acteurs visuels et le public à l'esthétique des arts numériques. Il consiste également à soutenir les artistes locaux dans leurs moyens d’expression tout en renforçant la maîtrise des techniques d’art numérique et l’accès à l’information sur le numérique en vue de favoriser une sensibilisation citoyenne, ajoutent-ils. 
     Pour impliquer pleinement les jeunes, les trois artistes invités se sont constitués en ateliers repartis sur trois résidences de création qui se sont déroulées du 24 avril au 3 mai. Le 14 mai marquera la fin des performances à Ker thiossane et au Point E. Ce sera dans le cadre de la 5ème édition du festival Afropixel inscrit dans le volet « Contours » de la biennale. 

Les précurseurs 

 Philipp Geist (Allemagne) 

Artiste audiovisuel, spécialisé dans le Mapping et dans la création des lieux interactifs. Il a travaillé dans les Favelas de Rio de Janeiro, en 2013/2014 il a illuminé la fameuse statue de Jésus de Rio. Il a travaillé entre autres à Thaïlande, en Iran, en Italie, en Egypte… Il rend visible les ponts entre l’imagination et la réalité, il sait dénoncer des frontières et intègre l’extraordinaire dans la vie de tous les jours. 
Fausto Morales Gil (Espagne) 

Artiste audiovisuel spécialisé dans le mapping et veejay. Il est directeur d'art et réalisateur, fondateur et directeur de l’entreprise slidemedia depuis 2001. Professeur de création audiovisuelle et réalisateur de vidéoclips musicaux, il a été pionnier dans l’utilisation des arts visuels et veejing sur la scène électronique ; récemment il a participé a festivals et événements en Allemagne, suisse, la France, le Brésil, USA et Vietnam. 
Aurélien Lafargue (France) 

Artiste œuvrant au sein de Nature Graphique, collectif composé d’artistes éclectiques (architectes, graphistes, ingénieurs, vidéastes et autres) qui ont rallié leurs talents pour créer des projets d’envergure, alliant arts et technologie. Ses domaines de compétences sont le mapping, scénographie, scénographie digitale, R&D, installations numériques, interactivité, VR, cinéma immersif, cinéma sensoriel, muséographie, Art, sound design et musique à l'image.

I.G

jeudi 12 mai 2016

Dak'Art 2016: l'ex-Palais de justice devient le temple de la culture

Samedi 7 mai 2016, des dizaines de touristes culturels, des curieux ainsi que parents et enfants ont pris d’assaut le site qui abrite l’exposition internationale. Placé cette année sous le thème, « Ré-enchantements », le festival qui accueille 65 artistes venus de par le monde et plus de 300 exposants en Off, a débuté le 3 mai dernier et referme ses portes le 3 juin 2016. 
Reportage.
Dak'Art 2016: l'exposition internationale
Trois gosses à ses pieds et la jeune Fatou peine à tranquilliser le bébé qu’elle porte sur le dos. Elle a beau nouer et renouer le "mbotou" autour de sa poitrine pour maintenir son 4ème rejeton en équilibre, rien n’y fait. L’enfant veut bondir à terre pour toucher des doigts les réalités du Dak’Art. Devant les œuvres de la tunisienne Mouna Karray, la petite famille discute. Les enfants questionnent… La maman explique et réexplique le peu qu’elle a pu saisir de l’exposition intitulée : « Personne ne parlera de nous ». « C’est une série de photos prises par l’artiste dans la région tunisienne de Redeyef, terre minière, riche en phosphate, qui fut exploitée pendant la colonisation et laissée à l’abandon depuis lors», précise le guide de circonstance. Le bébé lui, n’a rien pigé de la conversation entre adultes. Il voulait juste voir. Bientôt, le voilà parti en protestation contre cet apartheid. S’ensuivent des cris et des pleurs. Finalement, la maman cède. Elle délaisse la laisse pour permettre au chérubin de témoigner...
Dak'Art: une famille réunie autour de l'oeuvre de Mouna Karray
Attrait
Dans l’enceinte de l’ex-palais de justice de Dakar ce samedi 7 mai, on discute d’art et de culture. Et tant pis pour Simon Njami, le Directeur artistique de cette 12ème édition de la Biennale qui parlait « d’initiés ». Il se rendra sûrement compte que les tout-petits ont également leur mot à dire dans ce rendez-vous du donner et du recevoir. Raison pour laquelle ils ont fait le déplacement en masse pour voir l'exposition internationale. Et leur attitude va au-delà de la simple curiosité. Ils sont tout simplement enchantés par le travail des artistes. « Elle n’a pas arrêté de bouger. Elle veut monter à cheval, mais je suis bien obligée de la tenir à bonne distance», confie Marie. Sa fillette de deux ans a été happée par le pelage d’un magnifique cheval qui trône sur un pan du hall du palais de justice. En clair, il s’agit d’une photographie présentée par la kenyane Mimi Cherono Ng’Ok. C’est le plus grand tirage photographique de cette biennale, qui couvre un espace de 9 mètres carré !
Dak'Art 2016: Des visiteurs tous azimuts
Hervé M. autre visiteur, n’a pas pu tenir longtemps face aux caprices de son garçon. Le petit amour a fondu sous les charmes d’une demoiselle à la poitrine généreuse dont une partie du visage est dérobée par un chapeau. Le pas hésitant, l’enfant s’approche de l’œuvre pour comprendre le pourquoi du comment. Avec son pinceau imaginaire, il refait les contours du corps de la femme. Il aurait tant aimé être en lieu et place du franco-brésilien Alexis Eskine, le génie créateur de ce travail axé sur les migrations. Un peu plus loin, toujours dans ce carré dédié à cette thématique, des jeunes suivent avec assiduité un mini-documentaire sur un écran incrusté dans une pirogue de fortune. Les images et les photos qui constituent cette exposition rappellent les dangers auxquels font face les candidats à l’émigration.
Dak'Art 2016: Attrait des tout-petits
Sécurité
Des drames justement, il faut en discuter avec les enfants. C’est ce que fait cette femme qui a regroupé ses garçons autour d’une bien curieuse installation. Au sol, sur du sable, l’artiste a placé 15 "marmites" peint en bleu, portant l’inscription U.N. Nul besoin de pinailler ici sur le rôle que jouent les Casques bleus de l’ONU dans le maintien de la paix à travers le monde. Toutefois, « que voulait traduire l’artiste en installant là cet arsenal de guerre », demande l’un des visiteurs. Mais pour ça, il faudra attendre. Au passage, les forces de l’ordre déployées de part et d’autre des couloirs du palais, veillent au grain. Là-bas à l’angle, c’est la protection de l’environnement et la présence chinoise en Afrique qui font débat. Là haut, à la partie supérieure du palais, un autre guide rafraîchit la mémoire des écoliers sur l’ancien Soudan, celui que l’on pouvait parcourir du nord au sud, de l’est à l’ouest sans risque de se faire prendre une balle dans la tête. C’est une collection de 15 photographies en N/B réalisée par Ala Kheir sous l’appellation « Revisiting Khartoum ». Dans l’arrière-cour, une toute petite fille qui semble n’avoir rien compris à ce « remue-ménage », presse sa génitrice avec un : « M’man, rentrons ! J’en peux plus ! » Et la pauvre qui voulait jeter un dernier coup d’œil sur le « Prayer Room » du nigérian Victor Ehikhamenor, avant que la nuit ne tombe sur Dakar… 

Irène Gaouda, Cap Manuel.




vendredi 6 mai 2016

Afrikré@rt: Yves Marlière: Les musées européens ont souvent ex...

Afrikré@rt: Yves Marlière: Les musées européens ont souvent ex...: Artiste peintre, diplomate et auteur de plusieurs livres et articles scientifiques parus dans des revues internationales, Yves Marlière a p...

Yves Marlière: Les musées européens ont souvent exportés d'Afrique illégalement des objets qu'ils se refusent de restituer

Artiste peintre, diplomate et auteur de plusieurs livres et articles scientifiques parus dans des revues internationales, Yves Marlière a publié en 2015, un ouvrage intitulé : « Incursion dans les arcanes de l’art coutumier négro-africain ». Somme de sa grande expérience sur le continent. Dans cette interview, il déplore la déportation massive des objets d’art d’Afrique et appelle à une prise de conscience collective des acteurs africains dans ce domaine.
Yves Marlière

Vous avez publié en 2015, un roman de 226 pages intitulé : « Incursion dans les arcanes de l’art coutumier négro-africain ». Pourquoi avoir choisi le genre « roman » pourtant le titre s’apparente à une recherche ? 

Ou à un essai... Je n'ai pas souhaité donner à ce livre un caractère exclusivement documentaire. Par certains côtés, bien que cela puisse échapper aux lecteurs, il accorde autant de place à la réalité qu'à la fiction. Divers faits et personnages mentionnés dans l'intrigue sont vrais et quelques personnes sont toujours en vie. Voyez-vous, si j'avais voulu que ce livre fût totalement documentaire, il m'aurait fallu faire abstraction de mon imagination et me livrer à des recherches rigoureuses et longues. C'était possible, d'autant plus que durant des décennies, je me suis pris de curiosité et de passion pour l'art coutumier d'Afrique subsaharienne sous le double angle de l'histoire et de l’anthropologie. Il y a vingt ans, j'ai même ouvert un centre d'expertise et de conseil afin d'avoir le bonheur de prendre en mains de nombreuses pièces d'origines et d'anciennetés diverses détenues par des collectionneurs privés. Mais Il existe de nos jours tant de documents écrits par des experts, galeristes et scientifiques que le mien (un de plus serais-je tenté de dire) se serait dilué, voire perdu, dans la masse et n'aurait peut-être pas bénéficié d'un intérêt suffisant pour être largement diffusé. « Incursion dans les arcanes de l'art coutumier négro africain » est un ouvrage de vulgarisation destiné à susciter l'intérêt des néophytes et à les plonger dans un univers où la culture a depuis longtemps fait place à l'argent roi. Cet ouvrage a pour but d'instruire et de distraire. Ce sont ses seules ambitions. 

Quelle différence faites-vous entre l’art et l’art coutumier « négro africain » ? 
 Il fut un temps où les experts occidentaux ne parvenaient pas à s'accorder sur le nom à donner à l'art ancien d'Afrique noire. Longtemps ils l'appelèrent "art nègre". Au fil du temps et des découvertes s'imposa le vocable "art primitif". De mon point de vue l'un comme l'autre n'étaient pas géniaux, à ceci près que primitif englobait les arts précolombiens et asiatiques et plus généralement tous les arts datant d'avant le quatorzième siècle de notre ère. Par exemple, on classait au rang des primitifs les tableaux religieux et les icônes des églises et cathédrales érigées avant la Renaissance. Au XXème siècle, sous l'impulsion de Jacques Kerchache, ami du président Jacques Chirac et co-auteur avec Stephan et Paudrat du grand livre sur l'art africain paru chez Citadelles et Mazenod, l'art primitif devint "art premier", ce qui n'est pas plus génial car, pour moi, l'art premier est celui des cavernes des hommes préhistoriques. L'art coutumier et l'art traditionnel ont certainement meilleure résonance que l''art premier, c'est pourquoi dans mon roman j'ai choisi "coutumier" compris dans le sens "us et coutumes" ou "droit coutumier", c'est-à-dire collant de très près à la vie des populations ancestrales. Pour ce qui est de l'art moderne, s'il est la vérité d'une époque, demain, ou après-demain, on en parlera au passé en l'appelant lui aussi, "art coutumier". Ainsi évoluent les styles et les modes.

Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce roman? 
 D'abord le désir de dénoncer des profits abusifs réalisés lors des ventes d'objets d'art organisées par des grandes maisons européennes comme Drouot, Sotheby, Christie's, Lampertz, etc. Je souhaitais ensuite rappeler que si les musées européens et quelques grands collectionneurs et galeries regorgent de trésors souvent exportés d'Afrique illégalement, ils se refusent de les restituer; encouragés qu'ils sont par des pays dont les législations et règlements s'y opposent. Avant la mise en application des textes régissant la sauvegarde de leurs patrimoines nationaux, les Etats post coloniaux prétextaient la vétusté et l'insécurité des musées africains qu'ils avaient légués aux pays nouvellement indépendants. Il s'agissait, naturellement, d'une manière perfidement hypocrite de se soustraire au devoir moral de restitution. Mais, conscient de la nécessité d'une réappropriation de leur Histoire, les Africains décidèrent de moderniser les lieux de conservation de leurs symboles culturels voire d'en construire de nouveaux. Ce fut le cas pour le Sénégal qui bénéficiera cette année à Dakar d'un grand musée financé et réalisé par la République Populaire de Chine. Ces initiatives devraient faire taire les critiques mais elles ne régleront pas la question du recel. Elles permettront néanmoins aux ministères de la culture concernés d'établir des partenariats destinés à mettre en œuvre l'exposition temporaire de quelques pièces d'art détenues par les musées occidentaux. Et finalement; pour répondre à votre question, le plaisir de fondre tout cela dans un polar traitant du terrorisme et de la drogue.

La couverture du livre



Votre livre s’ouvre sur cette phrase extraite d’un entretien que vous avez eu en 1985, avec Cheikh Anta Diop, décédé l'année d’après. Nous le citons: « Il n’y a jamais eu d’académisme rigoureux dans l’art coutumier négro-africain, mais une liberté créative soutenue par des convenances ethniques ». Dans quelle circonstance a-t-il tenu ces propos ? 
En évoquant l'éminent professeur Cheikh Anta Diop, ce qui me revient immédiatement à l'esprit est "un puits de sciences éblouissant, tant par son éloquence que par ses démonstrations scientifiques et avec lequel on était davantage auditeur qu'orateur". Je ne pourrais vous dire aujourd'hui si je partage totalement son point de vue sur la négritude des pharaons. D'ailleurs, à l'époque où il défendait cette thèse, peu de ses collègues y souscrivaient, mais il la plaidait avec tant de convictions qu'ils étaient obligés d'y adhérer. Je l'ai rencontré à Dakar en 1985 à l'initiative du ministre de l'Hydraulique Samba Yéla Diop dont je fus le conseiller technique de 1981 à 1989. La raison de la rencontre entre le ministre et le professeur était politique, mais moi je tenais à recueillir son avis sur ce que représentait, de son point de vue, l'art traditionnel négro africain au Sénégal. C'est à cette occasion qu'il prononça, entre autres propos, les mots que vous me rappeliez dans votre question et qui figurent en première page de mon livre. Sur ce sujet, après trente ans d'études et d'analyses, je peux vous dire que le chercheur qu'il était n'avait pas tort et que nos connaissances se seraient considérablement accrues si quelques religieux, chrétiens et musulmans - et autres prédateurs inconscients - ne s'étaient pas évertués à détruire par bris et par feu des pièces d'art conçues en des styles que nous ne reverrons jamais. Quelle appréciation faites-vous de son apport dans la vulgarisation de la culture africaine ? Vulgarisation n'est pas le mot que j'emploierai pour qualifier l'apport de Cheikh Anta Diop à la culture africaine. Il était d'abord un chercheur ayant davantage à prouver à ses collègues du nord que ses thèses allaient à contre-courant de ce qui était enseigné depuis des lustres dans les écoles et universités occidentales. Il se disait nègre et ce mot qu'il utilisait souvent ne lui faisait pas peur. En cela, et en cela seulement, il était très proche du président Senghor, mais leurs divergences politiques les avait éloignés l'un de l'autre. Pour répondre plus clairement à votre question, je vous dirai que le rôle primordial de Cheikh Anta Diop fut de décomplexer les intelligentsias africaines, bien au-delà des frontières continentales, et de démontrer que si l'émotion est nègre, la raison l'est également.

Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais, a fait son entrée au collège de France. Est-ce une bonne nouvelle pour l’Afrique ? 
 A cette question qui, très habilement, fait suite à la précédente, je réponds Oui! Mille fois Oui! D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que des personnalités africaines intègrent de grandes institutions françaises. Et très franchement, je crois que nous assisterons à d'autres entrées, singulièrement dans les diverses académies des lettres, des sciences, des beaux-arts que compte l'Hexagone. Si la Francophonie souhaite se renforcer, doubler, voire tripler ses effectifs en 2050, il faut encourager les femmes et hommes du continent originel à suivre en nombre, en qualité et en talent la voie de leurs aînés. Dans cette perspective, il est indispensable de favoriser l'émergence des érudits de toutes disciplines. Je saisis l'occasion pour féliciter Monsieur Alain Mabanckou pour la magnifique leçon inaugurale dont il nous gratifia le 17 mars dernier et en profite pour remercier Monsieur Yvan Amar, l'animateur de la danse des mots sur RFI d'avoir eu la bonne idée d'initier cette magistrale leçon.

Revenons à l’ouvrage. Afin de remplir sa mission avec efficacité, le personnage principal appelé Jordan Seghers, un ancien mercenaire qui accompagna Bob Denard sur les théâtres d’opérations d’Afrique et des Comores dans les année 1990, doit se plier aux exigences du service action de la Dgse en suivant les cours dispensés par Jean-David Henninger, un éminent ethnologue et anthropologue de 86 ans qui a consacré l’essentiel de sa vie à l’étude des civilisations d’Afrique subsaharienne… Pourquoi votre héros choisit-t-il de se rendre au Cameroun et au Nigeria parmi les 54 Etats que compte l’Afrique? 
Permettez-moi de vous faire remarquer que l'histoire suit un fil conducteur la faisant se dérouler en France, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Cameroun et au Nigeria. Le choix de ces cinq pays n'est pas fortuit car chacun est concerné par l'art africain et par la drogue, tandis que quatre d'entre-deux sont en butte au terrorisme. Mais il est vrai que j'aurais pu choisir le Mali et le Burkina-Faso si mon héros y avait promené ses brodequins à l'époque où il était mercenaire. 

Au cours de son périple, Jordan fait la rencontre d’un certain Ejangue, un homme issu de la Jet Set camerounaise. Le sieur Ejangue présente un double visage : Blanc comme neige au grand jour, escroc et corrompu le reste du temps. Avez-vous été victime d’un fait pareil pendant vos voyages au Cameroun ? 
Je n'ai pas été victime d'un tel acte au Cameroun mais au Sénégal, comme quoi les escrocs n'ont ni nationalité, ni frontière. Au Cameroun encore, l’intrigue se déroule à Foumban communément appelée la cité des arts. Et, cette appellation n’est pas fortuite si l’on s’en tient aux descriptions que vous faites de la ville, de ses artistes et artisans. Seulement, lorsque Jordan débarque à Foumban, il doit faire face à un réseau de narcotrafiquants. Du coup, il y a le faux qui plombe tous les arguments positifs avancés plus haut… Que l'on trouve de nombreuses contrefaçons à Foumban, c'est un fait et nul ne l'ignore. J'ajouterai que ce n'est pas nouveau car on le savait déjà il y a une trentaine d'années et plus. Mais la plupart des sculpteurs de Foumban vous diront qu'ils ne font pas de fausses pièces mais des copies, ce qui n'est pas répréhensible car rien n’interdit de copier des pièces de musées si l'on ne cherche pas à les faire passer pour des vraies. Le côté fiction de mon roman commence là où ces copies deviennent des statuettes évidées contenant de la drogue (encore que des cas de transports de drogue dans des récipients trompeurs ont déjà été déjoués). C'est le délit que l'on reproche précisément à Monsieur Ejangue signalé dans votre précédente question. Mais cela n'entache en rien l'honnêteté de la plupart des artisans de la ville.

Quel rôle joue la France dans la présence de Boko Haram ? (Dans le roman) La France n'est présente à ce niveau que parce que l'agent qu'elle a envoyé en mission au Sénégal dans le cadre de l'affaire des fausses pièces d'art coutumier est un agent de la Dgse qui traverse des frontières par nécessité d'enquête et se trouve mêlé au trafic de drogue de Boko Haram.

A travers ce roman, l’on apprend également que la plupart des œuvres authentiques africaines ont été exportées en occident. Quel est le degré de véracité de ces propos ? N’est-ce pas là une façon subtile pour les collectionneurs d’influencer les fabricants pour enfin acheter moins cher? Si les collectionneurs dont vous parlez sont des galeristes dont le travail consiste à acheter et revendre des objets d'art sur un marché où les prix d'achat et de revente sont prohibitifs, oui, ils peuvent être enclins à faire fabriquer des faux pour répondre aux demandes de clients dont ils sont sûrs que leurs acquisitions ne réapparaîtront pas trop vite sur ce même marché. En procédant ainsi, ils prennent le risque de se voir contestés par les experts des acheteurs lésés. Il n'est pas interdit de penser qu'un groupe de galeristes et d'experts puissent se liguer pour éviter cet écueil, dans ce cas les opérations découlant de cette association - que la justice qualifierait de "malfaiteurs"- sont mafieuses. Un peu comme celles impliquant aujourd'hui les cinquante agents "savoyards" de la maison de ventes Drouot à Paris. Gros profits, mais gros scandale lorsque tous les noms seront cités ! 

Le livre est-il disponible au Cameroun? 
Cette question est plutôt à poser aux libraires camerounais, lesquels peuvent le commander à la maison d'édition Edilivre. Il leur suffit de remplir le formulaire prévu à cet effet que l'on trouve sur Internet en entrant le titre du roman dans le moteur de recherches Google. Tout y est mentionné y compris le prix d'achat du livre et sa dégressivité, selon le nombre commandé. 

Pourquoi avoir choisi cette maison d’édition quand on sait que le système d’achat en ligne n’est pas la chose la mieux partagée en Afrique ? Ce choix fut dicté par la rapidité avec laquelle cette maison publie les manuscrits qui leur sont soumis. Evidemment, elle ne s'engage à publier que si son comité de lecture lui donne le feu vert, c'est-à-dire si rien d'immoral ou d'outrancier ne figure dans le manuscrit. Cela étant dit, Edilivre propose à ses lecteurs plusieurs formules. L'électronique en est une et selon les statistiques émanant des éditeurs, elle est de plus en plus en vogue en Europe. Quoi qu'il en soit, les libraires et les particuliers peuvent aussi commander autant de versions papiers qu'ils le souhaitent. 

Vous avez également publié « Le grimoire de Borzavar », « L’angle de la mort » et « Entre cèdre et baobab ». Comment conciliez-vous l’écriture et vos autres fonctions ? 
Ecrire n'est pas nouveau pour l'ancien fonctionnaire et conseiller technique que je fus. J'ai également beaucoup écrit dans des revues à caractère politique. Et puis, je confesse qu'en vertu d'un accord de coopération consulaire conclu entre les autorités hongroises et autrichiennes, le service des visas Schengen est désormais assuré par l'ambassade d'Autriche à Dakar. En procédant ainsi elles firent d'une pierre deux coups: reconstituer l'empire austro-hongrois disparu après la première guerre mondiale et alléger le travail du consulat.

Entretien réalisé par Irène Gaouda 

koffi olomide feat papa wemba ' wake up'

mardi 3 mai 2016

DakArt 2016 : President Macky Sall presides over the opening ceremony

The official opening ceremony of the 12th edition of the Biennale of Contemporary African Art, dubbed Dak'Art held on May 3, 2016 at the Daniel Sorano National Theatre, under the chairmanship of His Excellency Macky Sall, President of the Republic of Senegal.
Among other personnalities who made the move to Daniel Sorano, was The Minister of Culture and Communication, Mbagnick Ndiaye.
Early that day, Dakar city-dwellers left their businesses, offices as well as classrooms to be eye-witness of one of the most important manifestations of visual contemporary art in Africa. Traditionnal dance groups came to uplift the event by showcasing African diversity.
From the 3rd of May to the 2nd of June 2016, in fact, Sixty-seven artists from 24 countries across the world will present their know-how to the public while many events would be organized accross Senegal. Cameroonian-born Simon Njami is the Artistic Director of this year’s edition.
Placed under the theme "The city in a blue day », the manifestation would carry visitors mainly to the former courthouse of Dakar, a huge building which was left out of use some 20 years ago and now hosts the International exhibition.
Alongside the main exhibition, called "Re-enchantment", a half-dozen sites host the Biennale. The manifestation also offers about 300 « Off » exhibitions to the public.
I.G, Daniel Sorano, Dakar

Un jour, un artiste: Georges-Antoine Rochegrosse, peintre d’histoire

Georges-Antoine Rochegrosse  né le  2 août 1859  à  Versailles  et mort le  11 juillet 1938  à  El Biar  ( Algérie ) est un  peintre ,  déco...