mercredi 27 avril 2016

Les tribulations d'un coopérant en Afrique noire

De Dakar à Maputo, en passant par Bangui, N’Djamena, Yaoundé, Luanda, Gérard Sivilia, ingénieur agronome, a travaillé sur de nombreux chantiers africains en tant qu’ingénieur du génie rural des Eaux et des Forêts. Dans son ouvrage de 221 pages intitulé « Les tribulations d’un coopérant en Afrique noire », paru aux éditions l’Harmattan, Paris, il relate sa longue expérience dans l’hydraulique, avec force détails et humour. Dans une Afrique postcoloniale qui cherche à imprimer ses marques, comment les « descendants du colon » venus tout droit de la métropole parisienne étaient-ils perçus par les jeunes cadres africains ? Quelles étaient leurs « aquaintances » avec les dirigeants en place et quels rôles ont-ils joué dans la chute de certains régimes jugés « dictatoriaux » ? Afrikré @rt a feuilleté l’ouvrage et vous présente quelques feuilles…

Coopérant 
« Les missions de coopération agissaient dans un environnement échappant aux critères classiques de l’administration. Les premiers chefs de mission et leurs conseillers, souvent issus des corps de l’administration coloniale, en étaient restés à un mode de commandement hiérarchique s’accommodant mal des nouvelles relations qu’ils devaient tisser avec leurs partenaires africains…"

Centrafrique
"Petite capitale somnolente, Bangui s’étirait entre les collines boisées qui la dominaient et le majestueux fleuve Oubangui dont on distinguait la rive congolaise dans le lointain. Enchâssée au cœur de la forêt équatoriale, Bangui justifiait son appellation de Bangui la coquette… Coupés du reste du monde, les villageois (Centrafricains) vivaient de la culture du manioc et de viande de chasse, dans un isolement totale. Tous les villages disposaient d’un tambour à fente, creusé dans un tronc d’arbre."

Le Cameroun d'antan
"En 1968, le Cameroun n’était pas encore uni. Il était un Etat fédéral composé du Cameroun anglophone, ex Cameroun allemand jusqu’en 1918, et du Cameroun oriental divisé en un Sud Cameroun christianisé et économiquement développé, notamment dans le pays Bamiléké, et un Nord Cameroun islamisé, fief traditionnel des Foulbé." "Après un voyage de nuit en Boeing 707, nous atterrissons à Douala. Le temps de faire les formalités d’entrée au Cameroun, dans la moiteur africaine sur laquelle les quelques ventilateurs poussifs de la salle d’attente ne produisent aucun effet, nous embarquons dans un vol intérieur vers la capitale, Yaoundé. Mon camarade de promotion de l’Ecole du génie rural, Gaston Mvondo, Camerounais déjà revenu au pays, a la gentillesse de nous accueillir et de nous faire passer la douane de manière expéditive. Quand plus tard, j’ai eu à connaitre la minutie des douaniers en Afrique, j’ai compris le grand service qu’il nous a rendu…"

Lamidat de Rey Bouba
"Le progrès n’avait guère marqué les chefferies traditionnelles. Situé à cent cinquante kilomètres au sud de Garoua, le lamidat de Rey Bouba s’étendait sur une vaste zone qui englobait une partie de la réserve cynégétique de la Bénoué. Le vieux lamido de Rey Bouba, le Baba, était l’archétype du seigneur traditionnel. Il incarnait le pouvoir sans limite, tel qu’il était dans les siècles passés. La visite au lamido respecte un protocole rigoureux. Les doghari de garde à la porte du palais vont le voir pour s’enquérir de son désir de recevoir le visiteur. Des serviteurs habillés d’un simple pagne bleu, conduisent alors celui-ci dans le palais, à travers une succession d’enceintes intérieurs, pour arriver à la cour d’audience. Puis ils se retirent à reculons, pliés en deux, le regard vers le sol..." 

Yagoua
"Le projet Semry, comme bien d’autres opérations d’hydro-agricoles en Afrique, sera ruiné, des années plus tard, quand la Banque mondiale fera de l’ouverture des frontières et libre-échange un dogme qu’elle imposera à tous les bailleurs de fonds. Ce sujet à lui seul mérite un livre. La manière dont a été traité le petit paysannat africain par les institutions de Washington est indigne et témoigne d’un profond mépris pour les contingences locales." 
"Le barrage de Lagdo a été réalisé, des années plus tard, par l’aide chinoise. Avec ce projet, la Chine faisait ses premiers pas sur le continent africain."


Pauvres Français ! 
Quelques Français vivotaient, parfois à la limite de la misère. Ils étaient arrivés du temps de la colonie et n’en étaient jamais repartis."

Ahidjo et  Tombalbaye

"Le Tchad avait pour président François Tombalbaye, chef historique du PPT-RDA, parti qui avait conduit pacifiquement le pays à l’indépendance, en 1960, dans le cadre du référendum initié par le Général de Gaulle. Instituteur de profession, Tombalbaye faisait partie des rares cadres de bon niveau du Tchad. Très rapidement, comme dans la plupart des pays africains ayant opté pour l’indépendance, le régime devint un régime à parti unique à la dévotion du président, puis un régime franchement dictatorial. Je n’imaginais pas un régime qui pouvait faire passer la dictature du président camerounais Ahidjo pour un gouvernement aimable. Je l’ai trouvé au Tchad."


Le rôle trouble de la France

"La France soutenait militairement le régime de Tombalbaye contre la rébellion. Les troupes françaises, notamment l’aviation, y jouaient un rôle majeur et continueront à le faire pendant longtemps." 

Hissène Habré
 "Un individu inattendu dénommé Hissène Habré, un des chefs de la rébellion Toubou, fit un raid sur Bardai et captura trois otages : le coopérant allemand, un coopérant français et Françoise Claustre. Il en retira la notoriété qu’il attendait." 

"Le Sénégal n’avait guère de ressources hormis l’arachide, mais il bénéficiait de la sollicitude de tous les bailleurs de fonds internationaux et de l’aide bilatérale de nombreux pays étrangers."

Afrique sans technique
"L’attitude des africains face à la technique est ce qui m’a le plus déconcerté pendant mes séjours en Afrique sahélienne, puis au Mozambique, et en Angola où s’est poursuivie ma carrière. Le niveau d’équipement technique est faible. L’enseignement professionnel et la formation technique, à tous niveau, sont quasi inexistants et dévalorisés, à l’image de ce que l’on observe en France. Triste transferts des défauts de notre système éducatif… »


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